L’attaque armée de la coalition anglo-américano-franco-européenne contre la Jamahiriya libyenne a-t-elle pour objectif la dislocation du régime de KADHAFI et l’installation d’une « démocratie intégrale » en permettant aux opposants de s’emparer du pouvoir ? Consiste-t-elle simplement à dépecer et à diviser ce pays pour pomper plus facilement son pétrole et son gaz ? Ou bien pose-t-elle des enjeux géopolitiques et géostratégiques beaucoup plus complexes au niveau du bassin méditerranéen et du moyen-0rient. Les attaques commencent et, déjà, des difficultés et des contradictions apparaissent entre les U.S.A et l’U.E. D’ailleurs, ce n’est pas un effet du hasard si les U.S.A et certains pays européens ne veulent plus que le commandement de la force de frappe de la coalition soit mené par la France, mais plutôt par l’OTAN.
Il n’est un secret pour personne que la politique étrangère nord-américaine dont le tireur des ficelles est le lobbying israélo-sioniste, est totalement subordonnée à l’hégémonisme israélien ; d’autant plus que toutes les décisions par rapport à cette agression sont élaborées et prises dans une base militaire américaine située au sud de l’Allemagne. C’est pourquoi, la question que nous trouvons fondamentale et que nous allons oser poser à la coalition américano-européenne est la suivante : à qui profite ces attaques qui avaient eu lieu d’abord contre l’Irak et l’Afghanistan, puis maintenant contre la Libye qui est arabo-musulmane comme les deux précédents (1). Tout cela ne va-t-il pas dans le sens des intérêts de ceux qui veulent élargir encore plus, le fossé d’incompréhensions et d’amplifier les conflits entre le monde occidental et le monde arabo-musulman qui partagent ensemble une histoire et beaucoup de valeurs communes : le sionisme, le complexe industriel de l’armement et, enfin, les Majors du Pétrole.
Quoiqu’il en soit, comme en Afghanistan et en Irak, cette intervention contre la Libye est vouée inéluctablement à l’échec, car elle repose sur la stratégie « transformationnelle » qui consiste soi-disant en la démocratie. Nous avons bien vu à ce propos, les résultats et les effets dus à la politique interventionniste de l’U.R.S.S et des U.S.A en Afghanistan et en Irak.
Ce que cette coalition ignore ou feint d’ignorer, c’est que, aucun envahisseur étranger, si puissant et armé qu’il soit, ne peut arriver à bout d’un peuple qu’il agresse. Partout où il va, l’envahisseur est mal accueilli et ne trouve que la haine des peuples. Ceux-ci lui opposent une résistance, d’abord par des révoltes et des insurrections populaires, puis par des guerres de libération (2).
Le peuple libyen, comme les peuples irakien et afghan avec les américains, est profondément convaincu que, pour camoufler ses visées d’asservissement et surtout de mainmise sur ses richesses stratégiques locales, la coalition américano-européenne veut détrôner Kadhafi et son régime qui ne correspondent nullement et aucunement à sa politique de domination prédatrice, pour les remplacer par des hommes à la tête d’un régime à elle soi-disant animé de sentiments libéraux et démocratiques en recourant aux chars et aux avions.
Toutefois, il est extrêmement important de noter à ce sujet que le système de ce régime en place qui, en dépit de tous ses défauts, provient d’une société libyenne traditionnelle et s’est fait par l’intérieur plutôt que par l’extérieur. Donc, pour reprendre l’approche systémique, seule l’énergie vitale de la nation permet à celle-ci de se développer. Toute politique tendant à substituer à celle-ci l’énergie provenant de l’extérieur est un fiasco. Donc tout système conçu et imposé d’autorité par l’extérieur à une population ne peut survivre longuement, car il a tendance à être violemment rejeté par celle-ci (phénomène de rejet). Les cours des événements en Espagne avec les Maures, dans les anciennes colonies, au Vietnam avec les américains, en Afghanistan avec l’U.R.S.S, etc., confirment cela.
Par contre, un système qui prend sa source dans la population et ses élites, peut avec une probabilité plus grande, s’adapter à son environnement et réussir à s’implanter et à durer plus longtemps.
(1): Les attaques qui n’ont eu aucun succès en Irak et en Afghanistan, vont sûrement connaitre le même fiasco en Libye. La société libyenne qui est complexe, a la particularité d’être traditionnelle, clanique et tribale. Les tribus sont noyautées, encadrées par des conseils et des comités révolutionnaires ; ceux-ci sont formés de personnalités influentes choisies parmi leurs tribus. Par ailleurs, en dépit de tous ses défauts, le régime Kadhafi a réussi à établir un certain équilibre au sein de la société libyenne et, même si celui-ci disparait, le problème sera loin d’être résolu.
(2) : Même si les “opposants” vont réussir à s’emparer du pouvoir avec l’aide de la coalition américano-européenne, ils vont toujours être considérés par la majorité des libyens comme des fantoches ; c’est le cas actuellement de Karzaï en Afghanistan et de El Maliki en Irak.
CHATAR Saïd
Bruxelles le 25 mars 2011