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La Femme dans les traditions musulmanes (1)

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La Femme dans les traditions musulmanes (1)

« Le corps des femmes reste un champ de bataille partout. »

Leila BOURAOUI

Première partie

L’échange interactif entre le quotidien belge ‘’LE SOIR’’ du cahier week-end (19 et 20 octobre 2019) et Madame Leila SLIMANI montre bien que la question de la femme en Islam est toujours d’actualité en Belgique en particulier et en Occident en général. Décidément, cette question devient inévitable chaque fois qu’on aborde l’Islam devant un public occidental qui souligne l’infériorité de la femme dans les sociétés. A l’inverse, les militants musulmans qui luttent pour un modèle islamique de société, reviennent souvent sur cette question avec passion en escamotant curieusement les analyses, les interrogations et les réflexions neuves touchant notamment l’apport du Coran à ce sujet.

Quant à madame Leila SLIMANI, même si elle a rappelé si justement dans son échange avec ‘’ LE SOIR’’ (19 et 20 octobre 2019) que le corps des femmes reste un champ de bataille partout dans le monde, elle n’est pas partie suffisamment de données communes relatives à la condition féminine dans toutes les sociétés données. A l’instar des publics occidental et arabo-musulman qui sont à court d’analyses historiques et dialectiques à ce sujet en évitant toujours les questions fondamentales relatives à la femme par rapport à l’Islam, madame Leila BOURAOUI n’a pas mis non plus au cours de cet échange avec ‘’LE SOIR’’ le doigt sur la question problématique concernant la femme en Islam.

C’est pourquoi, je vais me permettre de noter dans la suite de ces lignes que si le Coran avait réussi à améliorer le statut de la femme en l’élevant à la même dignité spirituelle que celle de l’homme, il ne parvenait pas à modifier sur l’essentiel sa situation si fortement établie en Arabie : les structures élémentaires de la parenté, le contrôle de la sexualité, l’héritage, l’intégrité du corps, l’accès aux avantages sociaux, culturels et politiques…, qui, dans beaucoup de groupes sociaux, continuent d’être réglés par des coutumes étrangères aux indications du Coran et aux normes du droit musulman. D’ailleurs, même au Yémen ou en Arabie (berceau de l’Islam), le droit bédouin n’a pas été entièrement éliminé par le droit musulman. Or, nous savons tous, le rôle joué par les structures élémentaires de la parenté dans la circulation des biens, des pouvoirs, des personnes dans une société. Les échanges de femmes obéissent à des stratégies d’enrichissement, de domination, d’autoprotection qui dépassent l’intérêt de la personne échangée. La sécurité de l’individu est liée à la puissance du clan qui assure sa protection.  Et, contrairement à l’homme qui ne quitte jamais la famille, la femme peut passer dans un autre clan pour sceller une alliance. Voilà pourquoi le contrôle de la sexualité des femmes est rigoureusement défini dans le code de l’honneur qui continue à s’imposer dans bien des sociétés méditerranéennes patriarcales de tradition chrétienne ou musulmane.

Dès lors, la question la plus pertinente à propos du statut de la femme est de savoir jusqu’à quel point les nouvelles dispositions introduites par le Coran ont-elles pu modifier le fonctionnement des structures élémentaires de la parenté, et non pas seulement certaines dispositions juridiques et le cadre éthique et religieux des systèmes antérieurs ?  La situation et le statut de la femme dans le monde arabo-musulman montrent bien que le Coran a plutôt agi sur la dignité de la personne plus que sur les structures élémentaires de la parenté.

Force est de constater à ce sujet qu’il manque terriblement des études historiques, sociologiques et anthropologiques précises de l’application du droit musulman dans chaque société pouvant permettre de répondre à la distinction entre le poids de l’influence des structures et la modification par le Coran du cadre éthique et religieux du fonctionnement d’échange des personnes et des biens.

Par sa condition biologique qui la voue à la reproduction de la vie, donc à la circulation du bien le plus précieux dans toute société, la femme a partout fait l’objet de stratégies de la part des hommes qui ont le monopole du contrôle de la circulation des biens et des rapports de force entre familles, clans et tribus.

A suivre…

Saïd CHATAR