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Islam et modernité, que faire? (2)

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Islam et modernité, que faire? (2)

Deuxième partie

Islamophobie et ‘’musulmanophobie’’

L’autre aspect de cette situation problématique de l’Islam en Europe concerne le racisme ou plutôt l’islamophobie et la musulmanophobie. Il faut absolument arrêter avec la victimisation qui est due principalement au choc des ignorances. Il n’y a rien de plus périlleux que lorsque l’ignorance et l’intolérance sont armées de pouvoir. Il est vrai que les Européens non musulmans qui vivent dans le même espace citoyen que les Musulmans, ne connaissent pas le développement de l’Islam en tant que pensée, en tant que culture. Même s’ils se rencontrent constamment et se côtoient quotidiennement, ils ne se connaissent pas.

Quand les Musulmans tiennent le discours de victimisation, ils sont aussi ignorants que les Européens. Et à ce propos, le langage que tiennent souvent les Musulmans, même cultivés, est un discours fondamentaliste au sens où le fondamentalisme est la revendication des fondements divins de la loi fondamentaliste. Les musulmans ne se rendent pas compte et ne peuvent pas faire la différence entre la pensée fondamentaliste qui réclament des fondements divins et leur application de façon dogmatique. Ainsi se montrent-ils aujourd’hui incapables de faire des recherches et de réfléchir de façon rationnelle sur les fondements utilisés pour légitimer le port du voile ou du ‘’burkini’’ par exemple.

Les jeunes musulmans face à la radicalisation

Les jeunes musulmans se radicalisent de plus en plus parce qu’il y a un mélange détonnant entre la culture démocratique et l’institution démocratique qui protège les droits et donne la parole indistinctement à tout le monde. Et, moyennant ce climat-là, on fait de l’exégèse sauvage. Des prêcheurs profitent de cette situation pour monter en scène en vue de projeter sur le texte coranique un certain nombre de désirs et de fantasmes qu’ils essaient parfois de légitimer : le désir d’être reconnu, le désir d’occuper une place à laquelle les jeunes musulmans aspirent dans les sociétés au sein desquelles ils évoluent… Or, ces jeunes musulmans ne s’aperçoivent pas que la façon dont ils se relient à l’Islam irrite les Européens et les pousse à s’en méfier. Donc, il ne s’agit ici ni de racisme, ni d’islamophobie, mais plutôt d’une réaction d’irritation de la part des Européens face aux comportements horripilants pour ne pas dire provoquants des Musulmans. D’où le choc des ignorances qu’on a mentionné plus haut. Ignorances qui existent d’ailleurs de part et d’autre et qui ne sont jamais corrigées.

Or, que font les représentants politiques, surtout les Maghrébo-européens en particulier, face à cette situation problématique inextricable ? Ont-ils essayé de faire quelque chose pour aider à corriger ces ignorances réciproques ? Pourquoi l’émergence de tous ces

problèmes ? Est-ce que les Musulmans dits modérés ne s’expriment pas assez ? Pourquoi les Musulmans modérés ne dénoncent-ils pas assez cette radicalisation ? Est-ce qu’ils n’ont pas de responsabilité importante dans cette image qui leur colle à la peau ? Et en ce qui concerne les rares députés issus de l’immigration arabo-musulmane par exemple, a-t-on jamais su comment les partis politiques belges choisissent leurs candidatures qu’ils montrent à l’affiche. Et quels discours ces rares députés qui sont censés être des politiques, transmettent-ils ? Sinon enfoncer encore les gens et surtout les jeunes Musulmans dans les ignorances et les discours de victimisation au lieu de finir avec celle-ci, car n’oublions pas que le discours est un message politique d’une extrême importance. Aussi faut-il faire une étude critique radicale des textes musulmans. Il faut lire entièrement l’histoire de l’Islam avec les outils de la connaissance scientifique. Voilà le langage dont nous avons besoin.

L’expression qui consiste en le Musulman modéré et en la référence à l’Islam authentique, n’est pas acceptable. C’est une référence imaginaire qui sert à faire fonctionner les fantasmes, car l’Islam authentique n’existe pas. A l’instar de toutes les autres religions abrahamiques (Judaïsme, christianisme), il y a tout simplement l’Islam dans l’histoire.

Alors, que faire pour s’en sortir de cette grave situation de l’Islam et des Musulmans vivant en Europe ? Comment faire émerger un Islam qui soit compatible avec le style et le mode de vie des sociétés européennes modernes ? Outre la formation des Imams en Europe, il faut proposer aux gouvernements européens de créer chacun dans son pays des centres d’études du ‘’Fait religieux’’ (voir notre prochain article). Je dis bien le ‘’Fait religieux’’ et non pas l’Islam ou le Christianisme et le Judaïsme, qui se prêchent d’ailleurs dans les mosquées, les églises et les synagogues.

Aussi avons-nous besoin de mettre en place ces centres d’études du ‘’Fait religieux’’ qui seront des espaces européens de la citoyenneté en incluant un sens de travail en commun, un échange en commun en intégrant tous les citoyens avec des relais ou des associations socio-culturelles, des activités culturelles citoyennes, des mass médias, etc. Seule l’interculturalité pourra résoudre un tel problème. Pour cela, il faut des lieux de parole pour s’y exercer. Ces Centres d’études du ‘’Fait religieux’’ qui ne sont pas destinés à former des étudiants et des chercheurs, seront ouverts pour tous les citoyens. Ils représenteront des Centres originaux où vont se dessiner l’avenir de l’Islam et de son intégration en Belgique en particulier, et en Europe en général.

A suivre…

Bruxelles le 28 mars 2016

Saïd CHATAR