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Crise médico-socio-sanitaire en Afrique

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Crise médico-socio-sanitaire en Afrique

L’accession au niveau de santé le plus élevé possible est un objectif social. Elle intéresse tous les peuples et suppose la participation de nombreux secteurs socio-économiques autres que celui de la santé (le point 7 de la ‘’Déclaration d’Alma-Ata’’ de 1978).

Les organisations médico-socio-sanitaires en Afrique se débattent dans une crise qui sévit constamment. Cette crise résulte-elle de l’éthique et l’exercice médicaux qui sont le reflet des  sociétés africaines. Comment peut-on résoudre le problème de la distribution des soins de santé en Afrique où la santé est devenue l’un des problèmes les plus cruciaux et les plus fondamentaux ?

La pollution dans les grandes villes, la destruction de l’environnement naturel sur terre et dans les mers, l’absence de traitement écologique des déchets ménagers, industriels, les produits chimiques de tout genre, solides et liquides, les dégradations physiques causées par les guerres, le tabac, l’alcool, les drogues, les accidents de la route, nous font prendre conscience des dimensions complexes du problème de santé. Face à l’énormité de ces défis et à l’insuffisance des ressources,  la santé en Afrique devient chaque jour un problème de choix, c’est-à-dire un problème politique. Mais une politique de santé est-elle possible ?

D’où les questions suivantes que voici : est ce que les Ministères de la santé publique en Afrique agissent-ils dans le cadre d’une politique bien définie et une stratégie claire leur permettant de mener à bien les actions urgentes des secteurs de ces départements ? Les moyens humains, financiers et matériels mis à leur disposition sont-ils suffisants ? Les utilisent-ils de façon rationnelle et efficace pour atteindre les objectifs prioritaires fixés au préalable à court, à moyen et à long terme ? Ces Ministères disposent-ils de programmes politiques en matière  de santé publique ? Le personnel des secteurs de la santé publique mène-t-ils assez de campagnes à travers les territoires africains pour expliquer aux citoyens les ambitions des politiques gouvernementales  en matière de santé publique ? Les démarches actuelles des Ministères de la santé publique bénéficient-elles de la confiance et du soutien des Africains qui semblent ne croire à rien. Encore faudra-t-il que les responsables de ces Ministères sachent que l’élaboration d’une politique de santé ne peut se faire qu’à partir d’une conception de la société dynamique et libératrice, car les sociétés africaines qui sont déprimées, traversent pour le moment une grave crise du commun.

Cela étant, au lieu d’être pris en étau entre le médecin et l’hôpital qui font partie de l’ensemble du curatif, les systèmes de santé publique qui sont désuets et obsolètes en Afrique devraient s’articuler autour du préventif et du curatif. Et les discussions actuelles sur le secteur public et le secteur privé font tourner le débat relatif à la situation problématique de la santé publique, en bourrique. Nous avons tendance à croire en Afrique que la santé est une affaire de quelques spécialistes, aux mains desquels nous pouvons, en toute confiance, nous abandonner. Rien n’est plus faux et c’est la ‘’Déclaration d’Alma Ata’’ qui avait essayé de nous l’expliquer en 1978 (1) en insistant sur les soins de santé primaires.

Les soins de santé primaires ne concernent pas seulement la prévention des maladies, mais également la promotion des bonnes conditions alimentaires, l’accès à l’eau potable et tout ce qui est important et nécessaire pour pouvoir mener une vie économiquement et socialement productive en référence au point 5 de cette ‘’Déclaration’’. En d’autres termes les soins de santé primaires impliquent en premier lieu que chaque individu soit conscient de ses problèmes de santé et c’est pourquoi il est nécessaire de lui apprendre ce qu’est une maison saine, une nourriture saine, comment il doit se protéger contre un certain nombre d’agressions auxquelles il est exposé quotidiennement…A propos, le problème de la santé ne rejoint-il pas finalement le problème de la place de l’homme dans la société et de la place que la société réserve à chacun ?

Ainsi devons-nous nous interroger sur le rôle du médecin dans les sociétés africaines où les populations n’ont jamais appris comment adopter une attitude correcte en matière de santé. Et nous ne pensons pas que la médecine générale ou spécialisée et l’hôpital puissent apporter à eux seuls la solution. Nous constatons également que les médecins sont souvent très éblouis par la technologie médicale. Toutefois, à qui celle-ci est-elle destinée ? Quelle fraction de la population est concernée par l’appareillage lourd ?

 L’on constate également que la majorité des médecins pratiquent une médecine générale dont la qualité pourrait être remise en cause parce qu’elle est exercée dans de très mauvaises conditions. Nous n’avons certes nullement et aucunement l’intention de mettre en cause les médecins qui, beaucoup d’entre eux travaillent dur, mais nous nous demandons toutefois si leur indéniable dévouement profite au malade et, en fin de compte, au corps médical lui-même. Il s’agit là des problèmes que les Africains ne peuvent ignorer. C’est pourquoi, une question reste cependant posée aux départements de la santé publique : comment se présente l’avenir de la santé en Afrique à la lumière des résultats lamentables malgré les énormes investissements effectués dans la médecine curative ?

Si seulement nous parvenions à intégrer l’éducation sanitaire dans nos programmes d’enseignement, ou mieux encore, si l’on enseignait à nos enfants ce qui a permis à l’humanité de survivre pendant des milliers d’années, c’est-à-dire adopter un comportement adapté à l’environnement personnel, alors nous aurions accompli un pas important vers la réalisation des soins de santé primaires. Malheureusement, nous n’en sommes pas encore là. L’éducation nationale n’affiche-t-elle  pas une réelle passivité dans ce domaine ? Le fait que nous semblons attendre la formation de médecins qui, un jour agiront de leur propre initiative dans le sens visé, me parait dramatique, eu égard à l’ampleur des problèmes auxquels ils sont confrontés.

Quant à la ‘’Déclaration d’Alma-Ata’’qui donne matière à réflexion en santé publique, elle constitue un cadre ou plutôt un canevas remarquable dans lequel on pourrait élaborer et tisser des plans, des programmes et des projets correspondant parfaitement aux besoins prioritaires en matière de santé en Afrique. Cette ‘’Déclaration’’ permet à l’Afrique de sortir de son désordre établi et de bâtir une nouvelle politique de santé qui s’articule essentiellement autour de quatre principes fondamentaux que voici : la participation de la communauté, l’approche multisectorielle, la technologie appropriée et la liste des médicaments essentiels (voir les deux parties de mon article intitulé ‘’ La santé pour tous en Afrique et la ‘’Déclaration d’Alma-Ata).

C’est pourquoi, je vais me permettre de recommander vivement aux responsables du secteur de santé publique en Afrique de lire attentivement cette ‘’Déclaration d’Alma-Ata’’ qui va au-delà de la question du secteur hospitalier et du comportement du corps médical.  Car je suis convaincu que ceux qui la liront comprendront bien que les soins de santé primaires évoqués dans cette ‘’Déclaration’’, comme l’avons rappelé plus haut, sont tout autre chose que la médecine que nous connaissons, c’est-à-dire la médecine des médecins, des spécialistes et des hôpitaux, qui ne devrait représenter qu’une partie du secteur curatif des soins de santé. Ces soins de santé primaires ne se limitent pas aux soins de santé élémentaires de la population seulement, ils s’inscrivent également dans un programme beaucoup plus vaste englobant le bien-être socio-économique, physique, mental et culturel de la population. Ainsi la santé publique devrait-elle faire l’objet d’un travail d’approche systémique à travers des débats à l’échelon national, régional et local en Afrique.

Je voudrais enfin signaler que cette ‘’Déclaration d’Alma-Ata’’ s’adresse  plus que jamais non seulement à l’Afrique mais aussi aux peuples de tous les pays dont les investissements qui n’ont pas été orientés correctement, devront être repensés grâce à une véritable politique de santé. En effet, l’attitude dictée par l’offre et la demande ne correspond nullement et aucunement à la réalité, surtout africaine en matière de santé. L’offre ne répond pas à la demande, mais à un développement qui se produit dans le cadre du financement par la société. Ainsi, la collectivité doit à présent assumer la responsabilité d’orienter cette offre dans le sens le plus favorable à la population.

Saïd  CHATAR

  •  : 137 pays s’étaient réunis sous la direction de l’OMS et de l’UNICEF à Alma-Ata au Kazakhstan en septembre 1978 pour signer une déclaration commune qu’ils avaient baptisée ‘’Déclaration d’Alma Ata’’. L’ambition de cette ‘’Déclaration’’ est de fonder un autre modèle de société, qui sera basé sur un nouvel ordre économique mondial plus juste, plus égalitaire et plus solidaire, qui va permettre l’accès aux soins de santé pour tous en l’an 2000 en misant sur la promotion des soins de santé primaires. Quarante ans plus tard, la logique marchande s’est imposée non seulement en Afrique, mais aussi à l’échelon planétaire où les inégalités d’accès à la santé continuent de s’aggraver sans cesse…