(Mon article paru dans l’OPINION du 6 avril 2012)
Tout d’abord, trois points à souligner : les moyens financiers nécessaires à la gestion des déchets ménagers ; la procédure administrative permettant la gestion de ces déchets ; et enfin l’impact de ces derniers sur l’environnement et la santé publique.
Pour le moment les obstacles principaux à la gestion des déchets ménagers et assimilés au Maroc ne sont nullement et aucunement objectifs, c’est-à-dire financiers et techniques, mais plutôt subjectifs : corruption, lourdeur bureaucratique, psychologique…
Le problème des ordures ménagères n’est pas fatal comme le pense la majorité des autorités et des élus locaux et régionaux au Maroc. Il existe plusieurs filières de gestion et de traitement des déchets ménagers et assimilés : décharges sauvages, centres d’enfouissement technique, centres de bio gazage, centres d’incinération, centres de tri-recyclage-compostage.
La décharge ‘’sauvage’’ non contrôlée représente un réel danger pour la santé des populations, pour les ressources en eau, pour les sols, pour les animaux et pour l’environnement en général, donc à proscrire. Toutefois, les autorités marocaines sont en train d’instaurer des lois proscrivant les décharges ‘’sauvages’’ pour les réhabiliter et les remplacer par des centres d’enfouissement technique (C.E.T) ou décharges contrôlées qui consistent à enfouir et recouvrir les déchets par une couche de matériaux après leur compactage.
Le bio gazage et l’incinération sont des filières extrêmement coûteuses qui requièrent des équipements spéciaux et onéreux, et des technologies très pointues ; d’autant plus qu’au Maroc le faible pouvoir calorifique des déchets ménagers (environ 1000Kcal/kg) et leur teneur élevée en eau (60 à 70%) les rend inaptes au traitement par incinération.
Le tri-recyclage-compostage est pour le moment le procédé qui correspond le mieux au traitement des déchets ménagers et assimilés au Maroc (voir plus loin).C’est pourquoi, à la suite de notre participation au salon international qui avait eu lieu durant le mois d’octobre 2011 à Casablanca et où nous avions fait un exposé sur ce procédé, je me suis rendu dans plusieurs communes rurales et urbaines au Maroc pour m’en entretenir avec les autorités et les élus locaux et discuter avec eux sur les propositions relatives à la situation problématique des déchets ménagers et assimilés. Toutefois, j’ai pu constater que bon nombre de ces responsables communaux et régionaux se retranchent, par fatalisme ou par incompétence, derrière des procédures administratives et des règlements fastidieux qui les dépassent. Ainsi, tout le monde se renvoie la balle, pendant que les déchets municipaux (ménagers et médico-hospitaliers) qui continuent à submerger les villes et les campagnes connaissent un énorme gaspillage de leurs produits recyclables et de leurs fractions organiques et vertes qui pourront donner un excellent compost dont le Maroc a besoin.
En effet, au Maroc, toutes les grandes les villes jettent ou enfouissent annuellement des centaines de milliers de tonnes par an de déchets verts. Quel gâchis ! Donc, c’est aux pouvoirs législatifs et exécutifs de revoir le cadre législatif actuel pour mettre en place de nouveaux décrets et procédés réglementaires souples, mais pragmatiques, permettant ainsi une gestion plus efficace des déchets ménagers et assimilés au Maroc.
LE TRI-RECYCLAGE-COMPOSTAGE
Il est à signaler que 70% de déchets ménagers et assimilés au Maroc sont d’origine organique. D’où le procédé le plus recommandé pour le Maroc est celui de tri-recyclage- compostage (déchets de cuisine, de marché, feuilles, herbes, tailles de jardins, morceaux de bois…). Il est moins coûteux, utilise moins d’énergie, offre la flexibilité d’un bon dosage entre le niveau de mécanisation, la quantité de déchets à composter et l’emploi de la main d’œuvre. Il donne par ailleurs droit à des crédits carbones.
C’est un processus qui consiste à valoriser un maximum d’éléments recyclables issus des déchets. A cette fin, chaque élément recyclable (papier, carton, verre, métaux, plastiques, tétra-briques, etc.) est séparé et est conditionné afin de recevoir un traitement adapté et ainsi pouvoir être réintégrés dans le marché économique. La matière organique (la composante la plus importante) est compostée, puis tamisée et débarrassée des intrus.
Toutes ces étapes sont contrôlées afin d’obtenir un produit (compost) de très bonne qualité. De cette manière, 50 à 60% (en moyenne) du volume des déchets solides municipaux sont récupérés et réinsérés sur le marché en générant des ressources précieuses et en diminuant le volume des déchets mis en décharge (seulement 10 à 20% d’ultimes) ; d’où utilisation de plus petites surfaces de terrain dans la décharge pour le stockage définitif du sous-produit final ou inerte.
Le compostage permet d’éviter définitivement la formation de méthane, gaz à effet de serre hautement plus polluant que le gaz carbonique (CO2) et de limiter la production du lexiviat qui est un liquide noirâtre polluant les sols, les nappes phréatiques, les lagunes et les cours d’eau, au risque de rendre l’eau non potable. Le lexiviat favorise également le développement des maladies transmissibles (moustiques, bactéries, virus, etc.) et dégage une odeur nauséabonde. Les eaux résiduelles (pluies,…) sont récupérées dans un bassin et traitées. Les sites de traitement sont clôturés et le processus est contrôlé, ce qui évite la prolifération des éléments nuisibles.
Le compostage qui est un processus naturel par lequel les matières organiques sont décomposées et transformées par des micro-organismes, aboutit au bout de 8 à 12 semaines à un amendement organique de qualité respectueux des sols et ce, indépendamment des conditions climatiques : le compost.
Par ailleurs, la capacité des centres de tri-recyclage-compostage peut être adaptée en fonction des besoins. Ces centres peuvent également traiter différents types de déchets ménagers tels que les déchets agricoles, les déchets issus de l’industrie agroalimentaire, les terres polluées et contribuent à la réhabilitation des décharges.
Le compost peut avoir une multitude d’applications : d’abord comme structurant des sols et amendement pour la reforestation, les terres appauvries en matières organiques, les zones asséchées, les versants victimes d’érosion ; puis comme fertilisant organique pour l’agriculture, ensuite comme engrais biologiques pour les espaces verts; et enfin comme remblais stable et aseptisé pour la construction, les recouvrements de décharges, etc.
En faisant une étude préliminaire des besoins locaux, il est aisé de trouver les débouchés potentiels du compost. Ce dernier peut être destiné aussi à l’exportation.
EN GUISE DE CONCLUSION
Le tri-recyclage-compostage est un procédé simple, écologique, économique. Il offre divers avantages par rapport aux autres techniques de traitement des déchets ménagers. Il utilise moins de terrain que l’enfouissement et nécessite moins de capital que l’incinération et le bio gazage pour une capacité comparable. Son produit principal, le compost organique promeut l’agriculture locale, réduit l’utilisation des engrais chimiques, améliore la qualité des sols et la productivité agricole.
De même, l’usine de compostage améliore les conditions sanitaires des populations en évitant la production de gaz à effet de serre, la pollution des eaux souterraines. Elle permet la prolongation de la durée de vie de la décharge et donne droit à des crédits carbone et ce, dans le cadre du protocole de Kyoto.
Ainsi, sophistication n’est pas synonyme de qualité, et transfert de technologie n’est pas synonyme de « copier-coller ». Pour mener à bien la gestion et le traitement de ses déchets ménagers, le Maroc n’a pas besoin d’importer toujours du matériel lourd, inadapté, et extrêmement onéreux, car le marocain en est capable sans pour autant recourir à des technologies sophistiquées et pointues. C’est d’abord et avant tout, une question de volonté politique.
Saïd CHATAR
Bruxelles