Deuxième partie
Préambule
Ces articles sur la diplomatie peuvent paraitre parfois révolus aux yeux du lecteur d’aujourd’hui. C’est pourquoi, je tiens à rappeler que je les avais écrits au début des années 2010 pour les diplomates marocains qui font face à la guerre que le pouvoir militaire algérien mène contre le Maroc depuis plus de quatre décennies sur le front diplomatique, à l’ONU, avec l’Europe, ou dans les instances africaines. En 1982, l’Algérie et la Libye avaient même réussi à faire entrer la RASD à l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA, ancêtre de l’actuelle Union africaine) par le truchement du S.G de l’époque, le togolais Edem KODJO. Deux ans plus tard, le Maroc quitte l’institution en signe de protestation.
Le diplomate marocain et la diplomatie multilatérale
Dans le cadre du débat sur l’accord entre l’Union européenne et le Maroc visant à libéraliser le commerce dans les domaines de l’agriculture et de la pêche, l’organisation Western Sahara Resource Watch (WSRW) a publié un rapport intitulé ‘’Les tomates du conflit’’, qui révèle l’existence de 11 sites agricoles au Sahara dit occidental et fournit la situation géographique de chacun d’entre eux. D’après le “WSRW”, aucun de ces sites agricoles n’est exploité par des habitants de l’endroit ou des marocains venus d’autres régions du Maroc. Tous les sites agricoles en question sont détenus par des conglomérats marocains puissants ou par des entreprises multinationales françaises dont les produits bénéficient exclusivement à l’exportation au détriment de leur transformation et de leur valorisation locales (agro-industrie), ainsi qu’aux dépens de la culture vivrière…
Ce qui importe dans ce rapport, c’est la nature de ces entreprises et le mode d’exploitation de ces sites agricoles par celles-ci. Ainsi, la question centrale qui devrait être posée au gouvernement marocain est la suivante : ces projets qui n’apporteraient pas de valeur ajoutée à la région et qui excluraient les habitants de la région de toute participation de près ou de loin à ces exploitations agricoles, favoriseraient-ils le processus d’autonomie qui est en vue ? Nous trouvons que la position de Western Sahara Resource Watch (WSRW) qui n’est pas claire, est pleine d’amalgames par rapport à la cause nationale marocaine. Que cherche-t-elle exactement cette ONG ? Une plus grande participation des populations locales au processus de développement socio-économique et une répartition plus juste et plus équitable des bienfaits de celui-ci ? Dans ce cas, nous conviendrions qu’ils ont raison. Par contre, si elle cherche à travers ce mode d’exploitation ‘’féodalo-capitalistique’’ exclusif, purement et simplement l’amputation du royaume du Maroc de sa région du sud, alors là, la pauvre WSRW est complètement à côté de la plaque. Notons à ce propos que ce mode d’exploitation agricole ‘’féodalo-capitalistique’’ existe partout, aussi bien au Maroc qu’ailleurs. Cette ONG va-t-elle demander l’autodétermination dans toutes les régions des pays où ce mode d’exploitation est déployé ?
Le diplomate marocain et la diplomatie multilatérale
Par ailleurs, face à ces défis, la balle est dans le camp du peuple marocain tout entier, pouvoir, gouvernement, partis politiques, syndicats, société civile, intellectuels et autres diasporas. C’est pourquoi, je vais oser demander au lecteur de trouver dans la suite de ces lignes mon point de vue général sur les nouveaux défis de la diplomatie multilatérale auxquels est confronté le royaume du Maroc.
Le travail diplomatique du Maroc par rapport au conflit algéro-marocain en rapport avec le Sahara soi-disant occidental doit s’adapter aux changements internationaux marqués par la fin des confrontations classiques entre les deux camps, Est-Ouest. De la logique de confrontation, la diplomatie est entrée désormais dans une logique d’influence. Elle doit déployer son action dans un espace qui n’est plus bipolaire où les négociations reprennent une place prépondérante. Dans cette optique, les diplomates marocains doivent être capables de détecter les éléments favorisant un rapprochement entre les points de vue de leur pays et de ceux où ils se trouvent. Ils doivent savoir capter, interpréter et évaluer l’importance des signaux qui peuvent conduire à des malentendus s’ils sont mal compris. Les faits et gestes d’un diplomate sont des signaux : retour précipité dans sa capitale pour des consultations, départ précipité d’une cérémonie, comme ce fut le cas avec le Premier Ministre marocain A. Benkirane au cours des funérailles du Président A. Ben Bella à Alger. La diplomatie de crises est une diplomatie de signaux dont la mauvaise interprétation peut conduire au conflit.
Aussi le diplomate agit-il de nos jours dans un monde globalisé et une souveraineté des pays de plus en plus limitée ou plutôt partagée. Le diplomate qui devait traditionnellement prendre la défense des intérêts de son pays, se trouve dans un nouveau contexte se prêtant davantage à une défense des intérêts d’un groupe d’Etats. La diplomatie se déploie de plus en plus dans le multilatéralisme : que ce soit l’U.E, le G77, l’ASEAN, l’U.A, etc. L’appartenance à de tels groupements influe sur le travail diplomatique.
La diplomatie de la globalisation qui conduit à des négociations internationales tous azimuts, l’environnement, les pandémies, la lutte contre le terrorisme ou la politique commerciale, pousse le diplomate à se spécialiser dans le processus de négociation, quel que soit le domaine concerné. Les dossiers qu’il traite ont de plus en plus de répercussions concrètes et immédiates sur la vie quotidienne des gens.
Saïd CHATAR