Crises et luttes au Maghreb
De la même manière la crise socio-économique et politique endémique qui frappe les pays du Maghreb ressemble étrangement à une crise d’adolescence, de la même façon l’éveil de la démocratie sociale, caractérisé par le rejet de l’autorité et un fébrile besoin de liberté et d’affirmation de soi, rapprocherait la collectivité maghrébine du stade adulte.
Depuis leur ‘’indépendance’’, les pays du Maghreb ont toujours été régis par des régimes autoritaires usés jusqu’à la ‘’corde’’. Ils sont devenus désuets aux yeux des populations maghrébines qui veulent être représentées par des mandataires librement choisis. A titre d’exemple, en ce qui concerne le régime actuel de la monarchie marocaine, pour éviter la formule républicaine héritée de la révolution française qui consista en la décapitation du roi Louis XVI en 1793 à Paris, le Maroc se doit de revoir sa constitution pour composer, comme ce fut le cas avec le parlementarisme anglais. D’autant plus que la question du gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple est devenue une idée extrêmement chère à notre temps. C’est pourquoi, il faudra procéder au remplacement du régime autoritaire et ‘’féodalo-patrimonialiste’’ actuel du royaume du Maroc par un nouveau régime fondé sur une monarchie parlementaire moderne en phase avec les valeurs universelles du 21ième siècle.
L’impressionnante unanimité maghrébine dans l’évolution procède, malgré la variété des applications d’un pays à l’autre, d’une aspiration fondamentale qui est l’affranchissement des masses laborieuses, ou, si l’on veut, le souci pour le bien public et le refus catégorique du dualisme social. Cela s’étend à toute la communauté maghrébine et surtout à ses classes inférieures dont la progéniture acquiert de plus en plus d’influence dans l’administration et la gestion des affaires des pays du Maghreb par des actes politiques et de l’emprise de l’opinion publique grâce aux réseaux sociaux. Toutefois, en même temps que s’élève l’irrésistible vague démocratique, s’affirment davantage des mouvements islamistes étroits et exacerbés dans l’espace maghrébin.
Par ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler que les élites maghrébines qui voulaient émanciper et affranchir leurs pays du joug du colonialisme n’avaient guère pris conscience de leur solidarité au-delà des frontières superficielles que celui-ci (colonialisme franco-espagnol) leur avait léguées ou plutôt imposées. Hélas ! Force est de constater qu’au sortir du colonialisme, le nationalisme et le chauvinisme constituèrent des obstacles insurmontables pour l’intégration et la démocratisation des pays du Maghreb. D’ailleurs, le premier conflit entre l’Algérie et le Maroc (surnommé la guerre des sables) qui avait lieu en 1963 ne consacra-t-il pas le triomphe du nationalisme et du chauvinisme, en même temps qu’il sonna plus tard l’heure du conflit relatif au Sahara soi-disant occidental ? Grâce à l’impossibilité de vivre avec des structures permettant ententes et intégration régionales, la prétendue souveraineté des Etats des pays du Maghreb, dogme absolu hérité du colonialisme dut battre tout projet régional maghrébin, alors même que sur le plan international de plus en plus de pays se regroupent pour former des organisations intergouvernementales régionales à caractère politique et économique (ASEAN, UE, CCG, OEA, OCS, etc.) afin de faire face aux tensions et aux confusions que la mondialisation engendrent à l’échelon planétaire.
A suivre…
Saïd CHATAR