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Développement et emploi au Maroc (2)

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Développement et emploi au Maroc (2)

Après avoir soulevé dans le premier volet de cet article quelques interrogations sur l’inutilité et l’inefficacité de la multiplicité des organisations et autres structures qui sont destinées normalement à contribuer au développement socio-économique et culturel au Maroc,  je tiens à remettre sous les yeux  du lecteur dans ce deuxième volet mon point de vue sur la croissance inclusive et par voie de conséquence sur le développement durable, que j’avais fait publier la 1ier février 2008 dans le quotidien marocain ‘’L’OPINION’’, intitulé : ‘’Agences de développement régionales, P.M.E, P.M.I et emploi au Maroc’’.

    Agences de développement régionales, P.M.E, P.M.I et emploi au Maroc

Il convient d’avoir toujours à l’esprit l’importance de la flexibilité des P.M.E et des P.M.I et du rôle qu’elles peuvent jouer dans la sous-traitance, la croissance économique inclusive, le développement industriel et la création d’emplois aux prix d’investissements relativement modérés.

Dans une entreprise de taille modeste, l’élément fondamental est le chef d’entreprise lui-même, c’est-à-dire la personne qui gère les risques et qui catalyse les ressources en vue de créer une entité viable et génératrice d’emplois stables. L’homme ou la femme qui possède ces qualités doit donc être découvert, motivé, affermi et soutenu. Malheureusement, il n’en va pas ainsi au MAROC où on continue toujours à croire que la condition du chef d’entreprise est innée et non acquise. Cette conception s’est révélée fausse, car il a été formellement établi que l’esprit d’entreprise et l’aptitude à la conduite des hommes étaient un trait de caractère et une qualité latente qu’on peut développer et entretenir chez la plupart des individus. Donc, ce qu’il faut à ces individus ce sont les aides dans le domaine institutionnel et dans celui des infrastructures qui leur permettent de mettre en avant et d’employer leurs aptitudes à entreprendre.

Les Agences de Développement Régional (A.D.R) créées au Maroc, les chambres de commerce et d’industrie, ainsi que les chambres d’agriculture pourront constituer un moyen adéquat et approprié pour aboutir à ce but. Elles devront favoriser le développement de l’esprit d’entreprise au sein des divers groupes qui sont les villages, les jeunes qui ont terminé leurs études (filles et garçons), les diplômés chômeurs, les personnes ayant pris une retraite anticipée possédant une qualification technique (femmes et hommes), ainsi que ceux et celles qui sont en train de dépérir à la suite de leur départ volontaire.

Mais comment l’influence de ces A.D.R et ces Chambres professionnelles pourraient-elles franchir les cloisons bureaucratiques étanches et s’étendre jusqu’aux communes rurales les plus reculées ? Comment accéléreraient-elles le processus de création des P.M.E et des P.M.I au MAROC en menant des politiques et des programmes de développement inventif et durable, et en étant capable de coordonner efficacement l’ensemble des systèmes et des services d’appui ? Pour opérer efficacement, à l’instar des chambres professionnelles, chaque A.D.R doit avoir son siège régional dans le chef-lieu de la région qu’elle couvre par ses services. Nous allons alors avoir une structure décentralisée, permanente et proche des citoyens qu’elle est censée servir.

La personne choisie pour diriger l’A.D.R doit être d’origine de la région où elle doit habiter et avoir une meilleure connaissance des coutumes et des réalités locales dont l’ignorance compromet la justesse des évaluations des besoins. Il n’est pas inutile de signaler à ce sujet qu’aujourd’hui par exemple, les directeurs généraux des régions de l’Oriental et du Sud du royaume, habitent tous les deux à Rabat et non pas à Oujda et à Laâyoune. Alors où est l’ébauche du processus de la régionalisation, de la décentralisation et de l’autonomie ?

Donc, à la manière des chambres professionnelles, ces A.D.R doivent être des organes administrés, gérés, supervisés et contrôlés non pas par des fonctionnaires nommé(e)s selon des procédés technocratiques comme c’est le cas aujourd’hui, mais de préférence choisi(e)s par des conseils d’administration composés non seulement par des représentants de l’État (arbitrage et régulation), mais aussi par les élu(e)s locaux, les organismes professionnels (banques régionales, chambres de commerce et d’industrie, chambres d’agriculture, etc.) et la société civile au niveau de chaque région du territoire du Royaume. Ensuite, c’est au tour du conseil d’administration de chaque A.D.R d’élire un(e) responsable ou un(e) Manager chargé de diriger celle-ci, de déterminer la stratégie à suivre, d’élaborer des plans, d’établir des projets et des programmes à exécuter et de définir les moyens à mettre en œuvre en vue d’atteindre les objectifs fixés au préalable.

Ce procédé va renforcer, non seulement la participation active de la population à la gestion des affaires locales qui est une condition importante de la réussite de l’effort de développement régional et de la politique de la régionalisation, mais aussi le processus démocratique en cours au Maroc.

Ces A.D.R devront encadrer et aiguiller les chefs de P.M.E et de P.M.I pour leur permettre d’obtenir des aides institutionnelles et d’accéder à des crédits financiers. Elles leur donneront aussi des possibilités de formation sur les sources de technologies pour améliorer leurs produits finis à des prix compétitifs et atteindre des normes de qualité et un savoir-faire acceptables.

Et pour alimenter des réflexions sur ces questions, ces A.D.R contribueront à mettre en œuvre des politiques d’industrialisation à petites échelles et décentralisées dont la mission sera de promouvoir des programmes qui consisteront, d’abord à susciter chez les habitants de chaque région l’esprit d’entreprendre et la volonté de développer cet esprit pour la réalisation des objectifs nationaux ; ensuite à définir les approches et les techniques propres en vue de favoriser l’apparition des chefs d’entreprises dans les différents groupes et à établir les moyens de déceler parmi eux ceux qui ont le souci de se développer afin de les aider à s’étendre et à diversifier leurs opérations ; et enfin à instaurer des programmes de développement d’entreprises en tant que stratégie pour la création d’emploi, la promotion des investissements et l’innovation en étudiant quels résultats ont été obtenus ailleurs avec ces programmes et pourquoi.

C’est dans cette perspective qu’il faut donner un contenu très large aux A.D.R. Celles-ci devront agir en coordination et en synergie avec les structures locales déjà existantes telles que les associations de la société civile, voire les O.N.G, les banques, les écoles, les instituts de formation et les organismes professionnels. Et la mission essentielle de ces derniers sera de dispenser aux différents groupes cités plus haut des cours de formation budgétaires et de droit, de développer en eux des réflexes épargnants et de leur apprendre les rouages des différents types de sociétés (individuelles, coopératives, S.A.R.L., S.A, etc.). À ce propos, il sera utile de leur parler de l’auto-emploi qui suppose qu’en créant quelque chose soi-même, on devient son propre employeur, de la vision globale de développement socio-économique, de la croissance inclusive et de la mutation des activités humaines qui sera le passage de l’individualisme à une conception nouvelle de l’entreprise dont le caractère essentiel ne sera plus désormais l’œuvre d’un isolé, mais le résultat d’un travail d’équipe.

Aussi ces A.D.R devront-elles motiver et convaincre ceux qui disposent de ressources financières d’investir en milieu rural, dans les villages et les zones suburbaines plutôt que dans l’immobilier comme c’est le cas aujourd’hui.

Pour contribuer à la création de P.M.E, de P.M.I et par voie de conséquence de l’emploi à travers tout le territoire du royaume, les A.D.R devraient agir en articulation et en synergie avec un département central qui serait chargé de P.M.E et de P.M.I au Ministère de l’Industrie et de l’emploi à Rabat qui leur permettrait de s’acquitter efficacement de leurs tâches d’un côté, et avec les structures régionales, provinciales et locales, y compris la société civile, de l’autre.

Ainsi, le département chargé de P.M.E et de P.M.I au Ministère de l’Industrie et de l’emploi à Rabat définirait une centralisation de la politique industrielle nationale et une décentralisation de la mise en œuvre de celle-ci à l’échelon régional.

Suite et fin.

Saïd CHATAR

Bruxelles