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La crise de l’autorité au Maroc, l’autoritarisme et le ‘’patrimonialisme’’ (2)

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La crise de l’autorité au Maroc, l’autoritarisme et le ‘’patrimonialisme’’ (2)

‘’Nous ne recherchons pas la révolution. Notre seule quête est que l’individu et la société évoluent vers des états d’être supérieurs’’. 

Deuxième et dernière partie

Après avoir donné brièvement notre point de vue sur l’autorité et la confusion de celle-ci avec l’autoritarisme, nous allons essayer d’aborder dans la suite de ces lignes les raisons de la crise de l’autorité qui régit pratiquement toute la société marocaine où le peuple est devenu une proie pour un pouvoir autoritaire, autoritariste et ‘’patrimonialiste’’ utilisant l’Etat au bénéfice du grand capital apatride et ses oligarques locaux. Cette crise de l’autorité n’est que la partie visible de l’iceberg qui indique qu’il y a une rupture entre les décideurs et le peuple d’un côté, un affaiblissement et une perdition de l’autorité de l’Etat de l’autre.

L’Autoritarisme et le ‘’patrimonialisme’’

Autoritarisme

Une personne autoritaire est une personne qui montre avec force son autorité, qui donne des ordres pour être obéie. Elle impose sa volonté en donnant des ordres pour forcer les autres à lui obéir : c’est l’autoritarisme.

L’autoritarisme consiste en l’exercice du pouvoir brutal qui finit toujours par aboutir à la violence, à la révolution, à l’anarchie, au chaos. Ainsi convient-il de garder à l’esprit l’existence d’une série de gouvernements autoritaires, pas plus qu’on ne doit penser qu’un pays est démocratique parce qu’il organise des élections.

Quant à l’autoritarisme, il englobe tout gouvernement où le pouvoir suprême de décision pour une société est détenu par un individu ou un groupe privilégié. Ce pouvoir incombe aux décideurs appartenant à des familles particulières (monarchies, féodalités), au clergé (théocratie), aux militaires. Certains pouvoirs autoritaires exercent un contrôle brutal sur la population, tandis que d’autres, et ils sont nombreux, montrent l’apparence d’une démocratie en permettant l’existence de groupes politiques dépourvus cependant de tout pouvoir réel, et en organisant des élections soi-disant libres et démocratiques dont les résultats leur sont toujours favorables.

En d’autres termes, la prise en considération de la volonté et des intérêts des citoyens par les leaders permet de déterminer le caractère autoritaire ou non d’un régime. Encore faut-il que les citoyens soient capables de définir clairement ce qu’ils veulent. Autrement dit, les citoyens peuvent-ils tenir les élites gouvernantes responsables pour les décisions qu’elles prennent ? Ou bien ces élites peuvent-elles se permettre en dernier lieu d’ignorer leurs citoyens ?

Lorsque les élites du pouvoir ne rendent aucun compte de leurs actions au peuple qu’ils dirigent, alors le régime est autoritaire ou autoritariste.

Patrimonialisme’’

Le ‘’patrimonialisme’’ est un type de domination traditionnelle qui ne fait pas de distinction entre les intérêts privés du détenteur du pouvoir et l’intérêt public, d’où la confusion du ‘’privé’’ avec  ‘’l’officiel’’. Lorsque les dirigeants contrôlent l’ensemble des ressources de l’Etat, ils s’en servent selon leur volonté. Parfois les dirigeants élargissent leur pouvoir jusqu’à ce que leurs intérêts et ceux de l’Etat se confondent. Ce régime ‘’patrimonialiste’’ en même temps antidémocratique et autocratique est une variante extrême de ‘’clientélisme’’. Le régime entretient une relation patron-client avec le peuple, où les ressources diminuent et le soutien politique augmente.

Le concept de ‘’patrimonialisme’’ a été élaboré par Max Weber pour définir les décisions arbitraires prises par les membres des familles royales dont le comportement n’était freiné  par aucune limite. Très présent aux débuts de l’Europe moderne (entre le 15ième  et le 18ième siècle), le ‘’patrimonialisme’’ que Max Weber désignait aussi par le terme ‘’néopatrimonialisme’’ est propre à la plupart des systèmes politiques émergents. Parmi les exemples de systèmes ‘’néopatrimonialistes’’ on trouve des pays d’Afrique du nord, d’Afrique subsaharienne, d’Amérique latine et du Moyen et Proche-Orient…  

 Par exemple, toute l’administration et ses agents dépendent entièrement de leur relation personnelle avec le détenteur du pouvoir, qui se sert de la force nécessaire pour maintenir et renforcer cette complaisance. A son tour, ce processus conduit à l’instabilité et à la violence, car l’histoire regorge d’exemples de pouvoirs et de gouvernements qui disparaissent ainsi.

Il est à rappeler à ce sujet que tous les gouvernements marocains qui se sont succédés ne se sont jamais bien acquittés de la mission que le pouvoir leur a confiée. Ils ont  pratiquement tous échoué parce que, d’une part ils sont organisés et dirigés uniquement pour servir les intérêts du grand capital apatride et ses oligarques locaux, et d’autre part, la population marocaine manifeste silencieusement son désaccord avec eux en refusant de coopérer et de leur apporter son soutien, d’où l’ébauche d’une crise de l’autorité. C’est ainsi que le pouvoir marocain est en péril et le moindre revers de fortune inopportun peut le faire basculer : désobéissance, anarchie, crise de l’autorité, etc. alors, que faire ? Nous ne sommes pas obligés de soutenir activement de tels gouvernements dont le pouvoir est usurpé par des hommes et des groupes mal intentionnés et dénués de scrupules. Toutefois, nous pouvons, tout en restant dans la légalité, simplement nous lever comme un seul homme et élever la voix pour désapprouver les abus autoritaristes et ‘’patrimonialistes’’ que ce pouvoir répand et impose à la société marocaine, et ce en refusant de coopérer avec lui afin d’arriver finalement à des vrais réformes aboutissant à une monarchie parlementaire. Mais comment ? C’est le grand débat que le peuple marocain doit engager sur la place publique avec courage, sérénité, maturité…, et ce avant que ça soit trop tard. Aussi vais-je me permettre de rappeler à propos que lorsqu’un gouvernement est organisé et dirigé uniquement pour servir les intérêts de certains individus et de certains groupes, la société n’en a pas pour longtemps. Et la survie de chacun est menacée, y compris celle de ceux qui ont perpétré cela. En revanche, lorsqu’un gouvernement émane démocratiquement du peuple, il mérite d’être aidé et soutenu dans ses tâches.

Saïd CHATAR  

Bruxelles Le 7 février 2020 

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