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La migration et l’espace euro-maghrébo-sahélien

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Le changement de la nature des migrations et leur amplification, le caractère dramatique du bassin méditerranéen qui est devenu le couloir de la mort pour les immigrés clandestins, le développement de plus en plus large des événements politiques de mauvais augure au sud du bassin méditerranéen (espace maghrébo-sahélien) et en Europe où l’extrême droite reprend du poil de la bête, vont-ils enfin convaincre l’U.E, les pays du Maghreb et du Sahel de se mettre d’accord pour agir ensemble en vue de réaliser un espace maghrébo-sahélien stable et prospère ?

La migration

La migration est dialectiquement lié à la problématique démographique s’articulant autour de trois mouvements perpétuels qui s’imbriquent les uns dans les autres : le mouvement biologique qui relève essentiellement de la santé publique (taux de natalité, de mortalité, espérance de vie, etc.) ; le mouvement social, et enfin le mouvement spatial qui consiste en la migration. La suite de ces lignes va être consacrée à ce dernier.

Ainsi, n’y a-t-il pas un migrant en chacun de nous ? Chaque année, des centaines de milliers de personnes quittent leurs pays d’origine pour vivre ailleurs. La migration est donc un phénomène universel et de toujours. Chaque pays est une terre d’accueil, mais aussi de départ ; il s’agit de l’immigration et de l’émigration. L’immigration, c’est, du point de vue de l’Etat récepteur, l’installation d’«étrangers» sur le territoire de la nation. L’émigration, c’est, du point de vue de l’Etat de départ, l’installation de nationaux à l’étranger.

 Les mouvements migratoires sont une réalité du 21ième siècle que reflètent des données objectives. Les migrations des africains vers les pays développés sont marquées grosso modo par les phases successives suivantes :

– d’abord celles qui avaient commencé par le drame de l’esclavage (migrations forcées des africains en tant qu’esclaves vers les champs de coton du sud des U.S.A);

– Ensuite vinrent la période de la révolution industrielle en occident et l’invention de la machine au nord des U.S.A qui avait joué un rôle non négligeable dans la substitution du statut social du prolétaire à celui de l’esclave ;

– Puis arrive le temps du colonialisme. En effet, l’Europe en proie à la fin du 19ième siècle à une explosion démographique qui avait connu un accroissement global de 5O%, inaugurait une migration sans précédent. Les nations européennes entreprirent alors après 1860 des politiques de colonisation systématique par des mouvements migratoires au bénéfice des colonies. Cette migration qui consistait d’abord en l’émigration généra ensuite l’immigration. Car la révolution industrielle s’est répandue sur la planète sous forme d’impérialisme et de colonialisme où on allait chercher dans les colonies la main d’œuvre, les matières premières et aussi énergétiques pour faire tourner l’industrie des métropoles, ainsi que des marchés extérieurs pour l’écoulement des produits manufacturés de cette industrie en plein essor ; la politique coloniale n’est-elle pas la fille de la politique industrielle.

Pendant cette période, les moyens de production industriels en général n’exigeaient pas de main-d’œuvre hautement qualifiée : c’était une migration de la misère qui concernait en général des paysans pauvres sans aucune qualification qu’on arrachait à leur terre nourricière.

– Enfin, l’apparition des mouvements de ‘’libération nationale’’ ayant causé une succession d’incidents violents qui ont poussé le colonialisme à desserrer ses liens sans les rompre avec ses anciennes colonies. Autant l’établissement de cet ordre postcolonial qui dure encore, permet aux pays du nord d’avancer dans le domaine de la haute technologie et de s’enrichir de plus en plus aux dépens des pays du sud ; autant il continue à provoquer au sein des populations de ces derniers des amertumes et des mécontentements dus à l’appauvrissement, aux frustrations et aux insatisfactions existentielles de celles-ci.

De même, les révolutions technologiques des pays développés qui exigent de plus en plus une main-d’œuvre hautement qualifiée, drainent des cadres et des techniciens spécialisés du sud vers le nord. C’est une hécatombe non seulement pour les pays sahélo-maghrébins, mais aussi pour tous les autres pays en voie de développement. Ces mouvements migratoires sont une réalité du 21ième siècle. En Angleterre, il y a plus de médecins originaires du Malawi que dans ce petit pays d’Afrique peuplé de 15 millions d’habitants. En ce qui concerne le Maroc, presque un tiers du corps médical marocain exerce à l’étranger. Ainsi donc, les migrants ne sont pas issus uniquement des populations pauvres. Ils sont aussi d’origine des classes moyennes. D’ailleurs, cela ne donne-t-il pas lieu à discussion ? Y a-t-il eu à ce propos des études en Afrique montrant combien coûte un médecin ou un chercheur à sa communauté qui l’a élevé et formé ? Quel est le manque à gagner dû à son départ pour un autre pays du Nord ?

Les mutations migratoires

Loin d’être uniquement des mouvements du Sud vers le Nord, les migrations obéissent aussi aux mouvements Sud-Sud, voire Nord-Sud. Elles sont interrégionales, en particulier internes  à l’Asie et à l’Afrique ? Sur ce dernier continent, en raison des conflits multiples, les régions du Maghreb, des grands lacs et du Sahel sont devenues les lieux de grands mouvements de population.   

La nature des migrations Sud-Nord auxquelles s’ajoutent aussi les flux Sud-Sud, changent. D’anciens pays d’émigration, le Maghreb est en train de devenir un espace d’immigration, c’est-à-dire d’accueil et de transit. Par exemple, la dynamique et l’envergure de la migration qui suscitent chez l’Etat marocain par exemple l’appréhension, lui apportent aussi des bénéfices socio-économiques et culturels. Ainsi, loin des clichés sur les immigrés miséreux, le retraité français établi au soleil du Maroc fait figure de migrant nanti. De même, de nombreux diplômés espagnols, français ou africains viennent à présent s’installer au Maroc en quête de travail. Ces diplômés qui s’installent en premier lieu dans les zones urbaines incitent-ils le Maroc par exemple à prendre conscience des défis et des opportunités que recèlent ces migrants, où la question de ces mouvements migratoires est déjà brûlante ?

Même si le Maroc veut être au diapason des évolutions de cette situation problématique migratoire, il ne peut jamais relever tout seul le défi de celle-ci en mettant en œuvre une nouvelle politique de la migration ? Même avec les meilleures intentions du monde, il ne saura jamais élaborer avec le grand capital apatride des programmes pour venir à bout des problèmes de migration auxquels sont confrontés les autres pays du Maghreb et du Sahel ? Nous disons et répétons que seule l’impulsion des nouvelles initiatives politiques dans un cadre de partenariat et de coopération multilatéral régional avec les pays et les peuples de l’U.E, du Maghreb et du Sahel pourraient apporter des solutions à cette situation migratoire inextricable, et par voie de conséquence protéger les migrants et les réfugiés climatiques fuyant la famine, les guerres et le terrorisme ? Nous osons le croire mais à une condition. Laquelle condition va en effet consister à mettre au point une plateforme commune ayant pour vocation de discuter les causes et les effets qui affectent l’espace maghrébo-sahélien dont les colonialismes français et espagnol portent une lourde responsabilité.   

 Par ailleurs, il convient de rappeler à ce propos que le colonialisme français avait créé dans les années 50 l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (l’O.C.R.S) qui présentait deux particularités originales :

– Considérant le Sahara comme un tout, elle constitue un organe de coopération entre la France et divers territoires d’Afrique blanche et noire (Algérie, Niger, Tchad).

– S’assignant un but de promotion économique et sociale, elle sert de trait d’union entre le Sahara d’hier et celui de demain. 

Alors, pourquoi ne pas s’inspirer de ce projet qui représente beaucoup d’aspects positifs et que Mouammar Kadhafi voulait actualiser avant sa lapidation et son assassinat tragique par l’OTAN. Ce projet de l’O.C.R.S qui considère le Sahara comme un tout, s’il est actualisé par les protagonistes, ne pourra-t-il pas constituer un organe de coopération entre les pays de l’espace maghrébo-sahélien et l’U.E.

Ainsi donc, pourquoi les pays de l’espace maghrébo-sahélien et l’U.E, à travers la France, l’Espagne et l’Italie qui ont tous un passé colonial dans cette immense étendue, ne se réunissent-ils pas autour de cet ambitieux projet qu’est l’O.C.R.S pour le réactualiser en vue d’en faire un projet économique régional ambitieux destiné à servir d’abord les peuples de ces régions et non pas le grand capital apatride. D’autant plus que, sous l’influence des interdépendances des marchés économiques et financiers et l’amplification des flux migratoires dans tous les sens, les relations internationales ont tendance à s’ouvrir de plus en plus à de nouvelles dimensions de multipolarité et de multilatéralisme qui convergent vers des perspectives de travaux d’approches globales et régionales des problèmes écologiques et de développement socio-économique…       

Saïd CHATAR

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