Home Analyse & Opinion Le Maghreb, la démocratie et l’Occident

Le Maghreb, la démocratie et l’Occident

0
Le Maghreb, la démocratie et l’Occident

I- POSITION DU PROBLEME

Il en résulte pour les démocrates de l’ « Occident » une utilité et un avantage de connaitre ceux des sociétés arabo-musulmanes et africaines, afin d’éviter des erreurs et des méprises le plus souvent regrettables. Erreurs et méprises qui proviennent des différences de conceptions politiques, cultuelles, culturelles entre les arabo-musulmans et l’occident. Notons à ce propos qu’il est des conceptions religieuses en Islam qui sont non seulement inconnues chez les occidentaux, mais également et surtout mal assimilées, donc mal interprétées par une grande partie des maghrébins.

Dans les sociétés maghrébines d’esprit profondément religieux et très attachées à leurs institutions théocratiques, les Etats ont été et sont encore l’objet d’un «respect superstitieux» ; d’où l’embarras quand il s’agit de définir les Etats dans ces sociétés arabo-musulmanes dont la question religieuse subordonne le « pouvoir temporel » au «pouvoir spirituel». En réalité, lorsque les élites religieuses officielles enseignent que l’autorité est de droit divin, cela n’est que le signe d’une servilité consommée devant l’Etat. Ce sont les pouvoirs en place qui inculquent par le truchement de leurs exégètes et de leurs «khatib» (1) à leurs fidèles sujets un respect religieux de l’Etat. Et, les difficultés rencontrées dans les sociétés arabo-musulmanes pour bien comprendre la question de l’Etat qui est un produit des contradictions et des conflits d’intérêts socio-économiques et politiques, ont leurs racines dans les survivances tenaces de l’idéalisme religieux du premier Etat arabo-musulman établi par le prophète Mohamed à Médine.

II- Les démocrates laïcs au Maghreb

Mais en dépit de tout cela, les sociétés maghrébines qui sont loin d’être statiques, vivent, bougent, évoluent et sont traversées par des courants de pensée et de tendances idéologiques et politiques contradictoires et variés. Citons au passage les démocrates laïcs qui, à nos yeux, sont les seuls capables d’incarner les forces d’avenir et de mener à bien les desseins progressistes de demain ; ils se dressent légitimement chaque jour dans la lutte contre l’obscurité, les ténèbres et la misère enveloppant les peuples maghrébins ; ils sont difficilement ou rarement tolérés. En essayant d’agir dans la légalité, ils se heurtent à d’énormes pressions et sont les victimes favorites des pouvoirs autocratiques ou théocratiques en place et des « islamistes » (persécutions, humiliations, tortures et assassinats).

Que faire face à cette situation ?

Exporter les « modèles institutionnels et démocratiques » occidentaux au monde arabo-musulman et africain ? Bien sûr que non. La « démocratie » parlementaire occidentale n’a pas à avoir une vision internationale, mais bien à nouer des partenariats avec les acteurs locaux et appuyer leur stratégie propre. Toute intervention militaire fondée sur une guerre dite « limitée » et une stratégie « transformationnelle » qui consiste à installer par la force des modèles institutionnels « démocratiques » n’émanant pas des peuples des pays concernés, est vouée inéluctablement à l’échec, car il ne faut pas oublier les différentes échelles de temps et d’espaces géographiques, politiques, sociaux et culturels spécifiques à chaque pays de ce monde. Le modèle de « démocratie occidentale » qui repose essentiellement sur le système parlementaire ne s’exporte pas comme n’importe quel autre produit ; il s’agit d’un long processus. L’Europe, du moins occidentale, a mis des siècles avant de bâtir patiemment et ardemment le système institutionnel actuel qui n’avait pas eu que des effets positifs. Hitler n’avait-il pas été élu démocratiquement ? Sans oublier le F.I.S en Algérie, etc.

En plus, tout système conçu et imposé d’autorité par l’extérieur à une population lui exigeant des adaptations trop fortes au plan des différents comportements humains auxquels elle n’est pas habituée, ne peut survivre longtemps, car il a tendance à être violemment rejeté par celle-ci ; par contre, un système qui prend sa source dans la population ou dans certaines élites de celle-ci, peut avec une probabilité plus grande s’adapter à son environnement et réussir à s’implanter et à durer plus longtemps. C’est ce qu’avait confirmé le cours des événements en Espagne avec les Maures ; dans les anciennes colonies ; et plus récemment avec l’U.R.S.S en Afghanistan ; les américains d’abord au Vietnam, puis en Afghanistan et Irak, où les peuples qui se sentaient agressés et humiliés, s’étaient soulevés en menant des âpres luttes contre les troupes étrangères. Et, comme ces peuples croyaient que les guerres qu’ils menaient étaient justes, ils n’avaient pas manqué de triompher.

Les peuples arabo-musulmans et africains croient que, pour camoufler leurs visées de domination et d’asservissement, l’Occident du grand capital met tout en œuvre pour détrôner les régimes en place en vue de les remplacer par des hommes à lui soi-disant animés de sentiments libéraux correspondant à sa politique prédatrice, au moyen de putschs en recourant aux avions et aux chars. De même, les attaques qui n’ont eu pour le moment aucun succès en Irak et en Afghanistan, vont sûrement connaitre le même fiasco en Libye.

Nous considérons qu’il n’y a rien de plus efficace pour généraliser les idées démocratiques que de voir les mouvements, les partis et les associations démocratiques des pays développés, surtout européens, entamer des dialogues, des contacts, des échanges d’idées et tisser des relations avec les mouvements démocratiques au Maghreb par exemple, d’autant plus que celui-ci se trouve à peine à 12 Km de l’Afrique du Nord (le détroit de Gibraltar). Ce sera à notre avis la meilleure voie pour encourager, développer et renforcer les idées et les forces démocratiques au sud du bassin méditerranéen. Cela va permettre aux démocrates des pays européens en particulier et occidentaux en général, d’abord d’étudier et d’analyser directement et le plus objectivement possible les raisons et les motivations qui mettent les peuples arabo-musulmans en action ; ensuite d’éviter toute approche simpliste et superficielle ; et enfin de ne pas verser dans des positions démagogiques, tendancieuses et mystificatrices souhaitées par le grand capital international et les élites postcoloniales et oligarchiques locales.

Le grand capital a beau vouloir relever, en théorie, la condition de la démocratie dans le monde arabo-musulman et africain, son but principal est d’avoir la mainmise sur les richesses stratégiques colossales qui ne finissent pas d’exciter ses convoitises et d’agir si profondément sur ses intentions conquérantes. En menant des attaques et des agressions contre les pays arabo-musulmans et africains, le grand capital ne protège pas seulement ses intérêts, mais étouffe également les démocrates de ces pays et réduit leurs champs d’activités. Les interventions militaires contre les pays arabo-musulmans et africains rendent difficile l’échange entre ceux-ci et le monde qui les entoure.

(1) Le Vendredi, la prière en commun à la mosquée revêt un caractère solennel du fait qu’un prédicateur Khatib fait un prône dans lequel il exhorte les fidèles à suivre les prescriptions divines. Chaque mosquée a son prédicateur, mais comme pour l’Imam, tout musulman relativement instruit et éloquent peut jouer, le cas échéant, le rôle du Khatib.

La mosquée qui porte le nom de Jama est par définition, le lieu qui rassemble les fidèles. Les cinq prières de la journée, et tous les jours, y sont dites sous la conduite de l’Imam, mais des fidèles viennent aussi y prier individuellement. Le Vendredi, la prière de Midi est solennelle et rassemble un grand nombre de croyants. Les femmes n’y sont pas admises.

CHATAR Saïd

Mobiele versie afsluiten