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Le métier du diplomate (1)

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Le métier du diplomate (1)

Première partie

Préambule 

A la suite de la dégradation spectaculaire des relations entre Berlin et Rabat, je me permets de revenir vers le lecteur pour remettre sous ses yeux une série d’articles relatifs à la ‘’Diplomatie’’ que j’avais écrits au début des années 2010. Dès lors, je vais oser poser une seule question aux responsables de la diplomatie marocaine que voici : depuis la parution de ces articles, nos diplomates à Berlin avaient-ils pris l’initiative d’organiser des conférences en Allemagne pour attirer l’attention de l’opinion publique allemande sur  la similitude qui existe entre la libération des régions méridionales de notre royaume qui étaient occupées par le colonialisme espagnol et leur intégration à la mère-patrie après la Marche Verte de 1975 et la réunification de la république allemande en 1990 ? Ont-ils pris la peine d’expliquer lors de ces conférences le processus de l’autonomie que le Maroc propose pour mettre fin à cette situation problématique inextricable créée par le président Mohamed Ben Brahim Boukhrrouba, alias Houari Boumediene, entre autres ? D’ailleurs ne sera -t-il pas plus productif de rappeler aux élites politiques et autres lobbys allemands que le but de l’autonomie est de mettre justement sur pied in fine une monarchie fondée sur un Etat fédéral qui, avec ses 12 Régions, va ressembler à celui de l’Allemagne fédérale comprenant 16 régions fédérées (Länder), que Feu Hassan II souhaitait pour l’avenir du Maroc.

Le métier du diplomate

Le métier du diplomate excite la curiosité et suscite souvent des préjugés, voire des fantasmes. Les clichés caricaturaux au sujet de l’ambassadeur menant grand train de vie dans de somptueuses résidences illustrent parfaitement ces poncifs. Ainsi, la carrière diplomatique reste toujours distinguée par ses spécificités, son code social et un fort attachement à l’esprit de corps.

Pour certains, en raison du développement des moyens de communication modernes et des relations directes existant entre les chefs d’Etat et les ministres de tous les pays du monde, le diplomate est tenu en marge des décisions importantes. Pour d’autres, ce métier est réduit à une forme d’oisiveté élégante ou à une fonction d’agent secret.

Toutefois, au-delà de ces stéréotypes et de ces préjugés, un ambassadeur dont le métier est de représenter son pays à l’étranger est invité à participer à des activités publiques et sociales où il est mis en contact avec des notabilités du pays d’accueil. Il devra se construire un réseau de relations et sera jugé en fonction du crédit politique dont il bénéficiera au sein des autorités de l’Etat d’accueil. Représenter son pays n’est donc nullement et aucunement de la figuration ou de la sinécure : c’est une démarche active, astreignante, qui interdit de commettre des maladresses et demande beaucoup de tact, de doigté et d’effort pour gagner la confiance de ses interlocuteurs.

Depuis la fin des confrontations classiques entre les deux camps, Est-Ouest, le diplomate qui n’exerce plus un rôle confiné par les contraintes de la Guerre froide, est appelé à déployer désormais son action dans un espace planétaire en pleines mutations géopolitiques et géostratégiques et à développer une véritable empathie pour les autres cultures. Le diplomate doit non seulement informer mais aussi interpréter les signaux qu’il perçoit dans son environnement en vue d’aider les gouvernements à régler les problèmes avec habileté et délicatesse et à adopter la meilleure posture face aux tensions d’un monde en pleins mouvements. La communication diplomatique comporte toute une série de gestes, de messages et de déclarations qui expriment une intention. La diplomatie du ping-pong fut un signal diplomatique indiquant que les Etats-Unis et la Chine étaient prêts à l’apaisement, prélude à une reconnaissance diplomatique. Il faut savoir interpréter les signaux qui peuvent conduire à des malentendus s’ils sont mal compris. Un silence peut être un signal en soi, mais signifie-t-il accord ou refus ? Ainsi, par exemple, l’ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad, en 1990, ne mit pas en garde Saddam Hussein au moment où ce dernier préparait l’occupation du Koweït, ce qui fut interprété par le Président iraquien comme une forme d’indifférence, voire d’acceptation de ses projets d’offensive contre son voisin. De même, peut-on interpréter l’affaire actuelle des frontières algéro-marocaines dans la province de Figuig (Sud-Est du Maroc) comme un signal lancé par l’Algérie au Maroc ?      

Le diplomate doit d’abord comprendre ce que les autres pensent et être capable d’évaluer leurs forces et leurs faiblesses. Cela paraît assez élémentaire au premier abord, mais les crises qui éclatent bien souvent sont dues à la sous-estimation ou à l’incompréhension de ce que pense ou ressent l’autre qui est le principal objet d’attention du diplomate. Que cet autre soit un adversaire stratégique, un partenaire commercial, un allié idéologique, le diplomate est d’abord celui qui traite avec l’autre. On peut être en désaccord avec l’autre, mais cela ne doit pas conduire à le condamner ou à le mépriser et à l’ignorer. D’ailleurs la dégradation spectaculaire aujourd’hui des relations entre le Royaume du Maroc et la République allemande nous le montre d’une manière on ne peut plus claire.  

Ceci-dit, la négociation diplomatique qui est un exercice de longue haleine a souvent été considérée comme l’art de la ruse et de la dissimulation. Pour Machiavel, la diplomatie doit faire appel à la ruse pour convaincre. De la même manière, Il n’est pas opportun de dévoiler toutes ses cartes dès le début de la négociation.

Le diplomate doit rester discret en attendant le moment opportun ou plutôt crucial avant de dévoiler sa position. Pour influencer les tiers, le diplomate peut recourir à toute une série de manœuvres : alliances tactiques de circonstances, manœuvres dilatoires, multiplication des exigences. Toutefois, si la ruse peut être un moyen, elle n’est jamais une fin : une diplomatie fiable est à long terme préférable aux subtilités florentines, où tous les coups sont permis. Les intérêts sont tellement imbriqués les uns dans les autres qu’il n’est pas permis d’appliquer le jusqu’auboutisme et d’imposer son point de vue par la force : on ne gagne pas en humiliant la partie adverse. Le diplomate peut être habile mais son point de vue ne prévaudra que s’il est solidement étayé et argumenté.

Saïd CHATAR

A suivre…

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