En ces temps où la résistance palestinienne héroïque traverse une crise grave pour ne pas dire fatalement dramatique et tragique dans les terres occupées, nous devons déduire de cette vérité la leçon la plus importante parmi celles que nous impose cette catastrophe.
La manière la plus simple pour se « défendre » contre Israël qui provient d’un « magma » historique complexe ( colonialisme, antisémitisme occidental, nazisme…) et faire revivre le problème de la Palestine (avant qu’il ne soit possible de sortir des tranchées défensives en d’autres circonstances) c’est : que la Palestine soit, avant tout. L’agression impérialo-sioniste de 1948 a réussi à dépecer une partie de la Palestine. Et voici que pour les palestiniens, au lieu de préserver ce qui restait de la Palestine comme entité unie, résistante et exigeante, ils ont dispersé ce qui restait de la Palestine entre leurs mains. L’invasion impérialo-sioniste de 1948 a commencé par concentrer émigrants et réfugiés juifs de toutes les parties du monde et en faire des citoyens israéliens : Agriculteurs, ouvriers et guerriers (sabras) ; et les Arabes (y compris les palestiniens eux-mêmes) ont accepté de faire des citoyens palestiniens des émigrants et des réfugiés.
Des années se sont écoulées au bout desquelles l’idée d’instituer une entité palestinienne et une organisation palestinienne a mûri. Cependant, l’organisation qui s’en occupait s’est trouvée démunie de la condition la plus décisive pour exprimer l’existence d’un peuple et d’une patrie, à savoir la terre ! Et cette terre, quelque rétrécie qu’elle fût alors, existait quand même. La « lutte palestinienne » fut dirigée à partir du Caire, de Beyrouth, de Bagdad et d’autres villes arabes encore, hormis la Palestine.
Cette situation donne au monde l’impression que la Palestine n’avait jamais été, qu’un peuple palestinien exigeant sa terre n’avait jamais existé, et qu’il s’agissait seulement d’Etats arabes voisins qui s’opposaient à un autre Etat ayant nom Israël.
Dès lors, le point de départ évident et nécessaire qu’il convient d’étudier, d’analyser et de trancher est qu’il faut absolument qu’un Etat palestinien revienne à la vie. Cet Etat regroupera la rive ouest du Jourdan, et la bande de Gaza, c’est-à-dire tout ce qui avait été occupé depuis 1967. La restauration du nom de la Palestine, par elle-même et en tant que nom, aura un effet psychologique, moral et politique immense dans le monde et au cours des étapes à venir de ce problème ; voici donc le nom originel ancien du pays qui resurgit à la vie ; voici donc l’Etat de Palestine qui avait été partagé en deux parties, lesquelles avaient été annexées successivement en 1948 et en 1967, se tient au premier rang face à l’impérialo-sionisme et lui exiger son droit légal.
Il en découle que la restauration du nom de la Palestine à la terre de la Palestine doit s’accompagner du retour du peuple de la Palestine. Ceux qui émigraient aux quatre coins du monde étaient les plus forts, les plus talentueux et les plus capables parmi les palestiniens.
La restauration du nom de la Palestine et de l’Etat de Palestine n’aura guère de véritable valeur si elle ne s’accompagnait pas d’un travail véritable, afin de « renverser la vapeur » de l’émigration et de la dispersion, au retour et à la concentration massive, ce qui est une chose naturelle. Avant de parler du « retour » sur la terre palestinienne occupée (Israël), il faut que nous réalisions le retour sur la terre palestinienne qui demeure palestinienne. Le mur arabe qui fait face à Israël ne doit pas continuer à être une zone de vide, de tentes de réfugiés, celle d’une société où augmente le nombre des déchets humains jour après jour, mais plutôt une puissante muraille de civilisation, sur les plans économique, social, politique, etc.
Il est capital que, dans ce réceptacle de la Palestine, se dresse une vie différente qui absorbe les capacités du peuple et ne les encourage pas à émigrer, une vie qui incite les émigrés à faire retour au pays, pour des raisons qui tiennent au devoir, au patriotisme, à la volonté de promouvoir le problème de la Palestine ; à quoi il convient de faire en sorte que la voie du travail, de la vie, et de la croissance soit grande ouverte pour tous.
Cet appel du « retour » constitue une affaire stratégique. En effet, le facteur humain est le facteur décisif dans cette lutte nationale, dans cette confrontation aiguë entre un destin national authentique d’une part, et, d’autre part, le sort de peuples envahisseurs qui veulent créer une nationalité nouvelle. Le facteur humain est tout d’abord palestinien ; il s’appuiera ensuite sur le facteur démocratique et anti-impérialiste international, comme soutien. Le facteur humain palestinien ne réside pas seulement dans le nombre mais aussi dans la qualité, celle de l’enseignement, de la science, de la recherche technique et productive, des institutions économiques, politiques, sociales et militaires de la patrie.
Pour ce qui est de la nature du régime de gouvernement, les hommes divergent au sujet de celui-ci et des conditions qui l’accompagnent, mais ils ne divergent pas sur la patrie. Personne n’exige, afin de vivre dans sa patrie, d’y travailler et d’y lutter, que le régime de gouvernement s’accorde avec son penchant personnel en premier lieu et avant même qu’il ne bouge. Le sentiment palestinien au sujet du retour, du travail, de la lutte, de l’affrontement avec les problèmes, ne saurait être moindre que le sentiment du juif qui émigre des confins du globe vers une terre qu’il n’a jamais vue, qu’il ne connaît pas et dont il ne parle même pas la langue.
Au lieu de porter la nationalité libanaise ou koweitienne ou autre, le palestinien doit absolument avoir la possibilité de porter la nationalité palestinienne. Que les palestiniens soient à la Palestine et la Palestine aux palestiniens. Ceci touche du doigt un sujet pénible et délicat ; celui des réfugiés palestiniens qui vivent dans les tentes et les bidonvilles de réfugiés depuis 1948, à partir de la farine et du riz des organismes internationaux ; ils ne constituent nullement et aucunement de société civile cohérente : pas d’agriculture, ni d’industrie, ni d’enseignement à un niveau suffisant. Ils sont la grande masse de ceux qui ont été expulsés de leurs terres et de leurs maisons. D’où la question la suivante : cette masse imposante du peuple palestinien, parquée dans des camps de réfugiés et de concentration depuis soixante ans, va-t-elle y séjourner encore pendant un temps dont nul ne sait quand il prendra fin ? Cela parait impossible, injuste et non profitable pour les réfugiés. Face au retour à la vie de l’Etat de Palestine, deux objectifs pourraient être réalisés : cette masse démographique, en quelque endroit qu’elle soit, doit se transporter en la terre même de Palestine récupérée où elle pourrait se transformer en une société forte, qui s’instruise, s’industrialise, se développe, plante la terre, qu’elle deviennent l’« environnement puissant » sur la ligne de confrontation avec des défis et des obstacles internes et externes. Rien ne doit être entrepris qui mette un terme à la revendication des réfugiés au retour ou qui porte atteinte à leurs problèmes et aux fondements de ces problèmes.
Ainsi, le problème des réfugiés qui est extrêmement important doit rester présent aux esprits en vue d’en constituer le « fer de lance » de la question palestinienne tout entière. Aussi est-il également important que les réfugiés se transforment en une force efficace et influente, et deviennent un potentiel humain non négligeable. La question de l’implantation sur la terre où l’on habite et de la vie au diapason de cette terre, conduirait ou plutôt porterait en elle des initiatives, des décisions et des actions qui créeront avec le temps une réalité puissante et influente pour la dynamique de la suite des événements dans les relations entre Israël et la Palestine d’une part, l’Occident et l’Orient arabo-musulman de l’autre.
CHATAR Saïd .