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Pour une politique de santé en Afrique (3)

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Suite et fin

Les options

Troisième option : la santé pour tous

L’égalité de chacun en matière de santé n’est-elle pas considérée comme une utopie ? Toutefois, ce qui nous parait important, c’est de tendre vers une égalité de santé plutôt que vers une égalité des soins dispensés. C’est là le rôle stratégique de l’un des principes fondamentaux du point 7 de la ‘’Déclaration d’Alma Ata ‘’ qui consiste en l’approche multisectorielle en matière de santé (voir nos précédents articles sur la santé en Afrique).

En dépit de toutes les difficultés auxquelles elle est confrontée, c’est dans le cadre de la ‘’Déclaration d’Alma Ata’’ et surtout de son point 7  que l’organisation du service de santé doit être conçue de façon à répondre aux besoins de santé de toute la population, c’est-à-dire aux besoins spécifiques de chaque classe, de chaque groupe, de chaque âge. L’Afrique pourra ainsi accomplir un grand pas vers la généralisation de la distribution des soins de santé à travers tout le territoire africain. L’organisation médico-sanitaire doit tendre à supprimer tous les obstacles géographiques, financiers, psychologiques, sociaux et autres.

L’obstacle financier par exemple parait le plus important. La difficulté de prélever le coût des soins sur des revenus modestes représente un obstacle pour la plus grande majorité de la population africaine ; d’où la nécessité de la mise en place d’un service national de santé (S.N.S) pour chaque pays, doté d’un mécanisme couvrant les frais des soins de santé ou d’un système d’assurance maladie-invalidité qui pourrait réussir dans une large mesure à supprimer cet obstacle. Ajoutons également à cela l’obstacle psychologique qui peut aussi devenir l’expression du fossé culturel entre la technocratie médicale et la conscience de la communauté.

De même, il est illusoire de penser que les soins puissent être également accessibles géographiquement à tous : on ne peut concevoir une densité égale des services dans une région à population éparse et dans une région densément peuplée. Mais il faut rechercher des formules d’organisation adaptées qui compensent adéquatement les différences, par des services des soins de santé ambulants, réguliers et décentralisés dans le temps et dans l’espace, par le transport rapide, etc.

Quatrième option : pour une approche scientifique

Les mesures de santé doivent résulter autant que possible d’études conduites selon des méthodes scientifiques. L’organisation médico-sanitaire doit être dynamique et les progrès doivent s’appuyer sur une évaluation continue et objective. Cette évaluation doit toujours être faite en fonction d’un objectif ‘’santé’’. Toute activité peut être évaluée en fonction d’objectifs à court ou à long termes. Il n’est pas inutile de noter à ce propos que, contrairement aux objectifs à long terme qui sont très difficiles à définir et dont les activités sont extrêmement difficiles à évaluer dans le temps et dans l’espace, les évaluations des activités en fonction des objectifs à court et à moyen termes sont relativement plus faciles à faire.

Mais néanmoins, le principe selon lequel les mesures de santé doivent résulter d’études conduites par des méthodes scientifiques ne peut être interprété à la lettre. Chacun est conscient de la difficulté d’appliquer à des problèmes pratiques des méthodes rigoureuses comme si toutes les situations réelles ressemblaient aux situations de laboratoire. Mais ce qui est fondamental, c’est que chacun soit conscient du degré de validité de ses activités et qu’il  puisse agir avec pragmatisme pour l’améliorer.

Cinquième option : santé et libération de l’homme

Il convient d’avoir toujours à l’esprit que la santé n’est qu’un des éléments de la promotion humaine. C’est pourquoi, il nous parait important d’affirmer ici que la promotion d’un homme sain, protégé par une excellente organisation sanitaire mais dépendant totalement d’elle, ne peut être un but satisfaisant. Il est possible de remplacer l’aliénation due à la maladie par une aliénation due à la dépendance de l’organisation médico-sanitaire. Il est à rappeler à ce sujet sue le but de la politique de santé n’est pas de développer à l’infini l’organisation médico-sanitaire, mais d’affranchir l’individu et la communauté de toute  ‘’magie’’ médicale. Cette vision qui est utopique dans son absolu permet de prendre en considération certaines valeurs au moment des choix. A titre d’exemple, lorsque deux solutions sont également possibles et efficientes, le choix doit se faire en faveur de celle qui libère plutôt qu’en faveur de celle qui maintient des liens de dépendance. Dans certaines situations, on peut choisir entre une solution prévoyant des médicaments pris de façon continue et des contrôles périodiques et une autre solution, nécessitant une hygiène de comportement par l’effort personnel de l’individu et une prise en main de son capital santé ; c’est incontestablement la seconde solution qui doit être choisie. Prenons en exemple les affections cardiaques et le diabète. Le moins que l’on puisse dire est que notre société penche vers la facilité et la dépendance que vers la prise de responsabilité.

Par ailleurs,  toute approche basée sur le développement d’une technologie nouvelle ne doit être acceptée que si elle ne sape pas les possibilités de la volonté humaine. Des approches qui reposent sur l’intervention indéfinie du service de santé, les médications continues et les examens périodiques ne peuvent être considérées que comme des solutions transitoires et les efforts de recherche ne doivent pas s’y investir de façon excessive.

Ainsi, l’action sanitaire doit tendre à la libération de l’individu de toute servitude, plutôt qu’à son maintien dans un état de dépendance à l’égard de l’organisation médico-sanitaire.

Aussi le service de santé ne peut-il échapper, dans certaines situations que nous avons signalées plus haut, au développement du fossé psychologique entre le médecin et le malade qui conduirait éventuellement à un refus de celui-ci de se confier à l’organisation médico-sanitaire. Le médecin ne devrait-il pas craindre tout autant le malade parfaitement ‘’adapté’’, parfaitement ‘’conforme’’, suivant à la lettre toutes ses instructions, et qui abdique entre ses mains, par crainte de la maladie ou de la mort, sa liberté et sa dignité d’homme. 

Saïd  CHATAR

Bruxelles

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