Première partie
Préambule
Pour sortir du désordre établi et rendre possible une politique de santé en Afrique, on doit apporter des réponses à des questions concernant la définition de santé publique et des principes de base sur lesquels les Africains puissent bâtir une politique de la santé publique (1). A propos, ne faut-il pas définir une politique de santé en Afrique sur des critères scientifiques et rationnels, sur une évaluation des résultats par rapport aux objectifs fixés au préalable, sur une analyse sérieuse des domaines préventifs et curatifs, leurs limites et leurs relations ?
Une organisation médico-sanitaire au service d’une communauté qui doit contribuer à la libération globale de l’homme et de la femme, si elle se soucie uniquement de libérer l’homme et la femme des servitudes de la maladie contre une dépendance des technocrates, alors elle succombera inéluctablement à la tentation de tout asservir à cet objectif et l’homme ou la femme n’aurait troqué qu’une aliénation contre une autre : la maladie contre une dépendance des technocrates des soins, leurs règlements, leurs hôpitaux et leurs cliniques…
Par ailleurs, n’est-il pas nécessaire d’entrer dans le concret d’une organisation médico-sanitaire en traduisant dans les faits des objectifs qu’elle doit atteindre (intégration, continuité et globalité des soins que nous allons aborder dans nos prochains articles) ? Comment assurer en équipe une responsabilité médico-sanitaire et sociale qui a toujours été étroite et individuelle ? Comment établir les relations entre la population et cette équipe de techniciens de santé ? Comment enfin une organisation locale, régionale ou nationale permettra-t-elle d’assurer à toutes les classes sociales, à tous les âges, à tous les groupes de population, le niveau de santé le meilleur ?
Un examen attentif et critique des principes traditionnels de la déontologie médicale et des modes de financement de la santé, pourra nous inciter à réfléchir et à faire des travaux d’approche nouvelle et globale permettant de débloquer la situation actuelle en matière de santé publique en Afrique. Pour ce qui est de l’éducation sanitaire par exemple, elle comprend l’éducation de l’équipe médicale et paramédicale d’une part, telle qu’elle est et telle qu’elle devrait être, et l’éducation pour que la population puisse prendre une part active à la défense et à l’amélioration de sa santé d’autre part.
L’éducation sanitaire est effectivement la tâche la plus ardente et la plus urgente car seule une communauté politiquement consciente et scientifiquement informée peut espérer atteindre un niveau de santé élevé. Ni l’affrontement entre les différents groupes corporatistes médicaux, ni l’accroissement des dépenses nécessaires peut-être mais nuisibles si elles sont utilisées de manière anarchique au bénéfice de quelques technocrates incompétents ou plutôt corrompus… C’est dans ce contexte problématique que nous allons proposer ci-dessous quelques options de base qui sont en rapport avec la ‘’Déclaration d’Alma Ata’’ (voir notre article précédent intitulé : ‘’Crise médico-sanitaire en Afrique’’).
(1) : Il est utile de convenir de bien définir ce que nous entendons par santé publique. Nous allons reprendre à notre compte la définition de Winslow qui est un peu longue mais assez complète :
« La santé publique est la science et l’art de prévenir la maladie, de prolonger l’existence et de favoriser la santé publique et le rendement des individus grâce à des efforts méthodiques de la collectivité en vue de réaliser la salubrité du milieu, de combattre les infections qui menacent cette collectivité, d’enseigner à chaque personne les principes de l’hygiène individuelle, d’organiser des services médicaux et infirmiers permettant le diagnostic précoce et le traitement préventif de la maladie et d’établir des conditions sociales qui assureront à chaque membre de la collectivité un niveau de vie favorable au maintien de la santé » (« le coût de la maladie et le prix de la santé ». Winslow. O.M.S., 1952)
« L’œuvre de santé, nous dit J. SARANO, dépasse diagnostic et thérapeutique, non seulement parce qu’elle englobe la prévention, l’hygiène, la nutrition, les problèmes vitaux de l’alcool, du bruit, de l’ensoleillement, de l’habitat, du climat, des vacances, des horaires et des conditions de travail et des loisirs, de l’éducation des enfants et du couple, et mille autres encore, mais aussi et surtout parce que l’œuvre de santé intéresse, en chaque malade et chacune des maladies, l’homme total, qu’il convient de respecter, de restaurer et d épanouir » (« Médecine et médecins »,p. 257, J. SARANO. Edt. du seuil).
Pour J. SARANO, le médecin qui s’isole n’en est pas un. « Le médecin au singulier est une fiction romantique ».
A suivre…
Saïd CHATAR
Bruxelles